En Ile-de-France, le tri des déchets progresse, même si les défis persistent. Amina Gamraoui, responsable territoriale Ile-de-France et département 60 chez l’entreprise à mission Citeo, nous livre son éclairage1 sur la situation actuelle, les freins auxquels font face les collectivités et les leviers à actionner pour améliorer les performances de recyclage sur les territoires.
Où en sommes-nous du tri des déchets aujourd’hui ?
En Île-de-France, le tri des déchets gagne 3 points. Même si nous ne sommes pas les meilleurs élèves à l’échelle nationale, nous pouvons nous féliciter de cette progression. Nous atteignons une performance de 47,5 kg par habitant, soit 2 kg de plus par rapport à 2023.
Cette évolution s’explique par deux facteurs essentiels :
- L’extension des consignes de tri : depuis le 1er janvier 2023, le territoire francilien est couvert à 100 % par l’extension des consignes de tri. Cette simplification aide et permet à 100 % des Franciliens d’ouvrir le bac jaune et de trier sans avoir de doute, contribuant ainsi à l’amélioration de la performance.
- La modernisation des outils industriels : sur l’ensemble des 14 centres de tri d’Île-de-France, 11 sont entièrement adaptés à l’extension des consignes de tri. Les 3 restants sont en cours de modernisation et le seront d’ici la fin de l’année.
Quelle est la stratégie de Citeo pour faire progresser les collectivités ?
La marge de progrès est associée aux objectifs 2030 qui reposent sur une exigence nationale et européenne. Chez Citeo, nous misons sur la stratégie 3R – réduction, réemploi, recyclage – pour tendre vers ces objectifs avec 4 leviers principaux :
- L’implication du citoyen en massifiant la sensibilisation : communiquer, mobiliser et engager les citoyens vers un geste de tri vertueux et un réflexe au quotidien
- L’amélioration de la qualité du tri : éviter des refus et les coûts induits par la reprise pour traitement de ces refus qui sortent de la chaîne de valeur du tri
- L’optimisation des dispositifs de collecte et de tri : viser le modèle le plus idoine techniquement et financièrement (porte à porte ou point d’apport volontaire)
- La mise en place de la tarification incitative : sans appel, le levier le plus puissant. Quand une collectivité passe en tarification incitative, elle réduit de près de 50% son volume d’ordures ménagères. Et l’effet est constaté sur le tri puisqu’on va retrouver 30% de valorisables dans le bac jaune.
Il existe des leviers secondaires, comme le captage des cartons issus du e-commerce. Ou encore, l’introduction de clauses incitatives à la performance dans les marchés des collectivités qui permet d’embarquer tous les opérateurs de la chaîne.
Quels sont les principaux freins auxquels font face les collectivités dans la gestion des déchets ?
Les collectivités sont confrontées à un contexte particulièrement contraint dans la gestion des déchets. Elles doivent faire face à une transformation profonde de leurs pratiques, ce qui engendre des coûts importants et pèse sur leurs budgets. En ce sens, Citeo est aux côtés des collectivités pour les accompagner techniquement et financièrement dans cette transition.
On constate d’autre part des difficultés liées au développement de la collecte de proximité. Il y a une association malheureuse entre la mise en place de points d’apport volontaire et le fléau des dépôts sauvages aux abords, ce qui nuit à leur efficacité et à l’image de la collectivité. D’où certaines réticences de la part des habitants et des élus locaux. Il est donc essentiel de partager les retours d’expérience et les bonnes pratiques en matière d’optimisation de la collecte, notamment à travers des initiatives comme les Cahiers de la collecte sélective (2024/2025).
La gestion des déchets en habitat collectif représente aussi un défi particulier. Les collectivités doivent adapter leurs plans d’action et proposer des solutions spécifiques, en concertation avec les bailleurs sociaux et les syndics de copropriété. Les actions développées pour Grand Paris Sud sont d’ailleurs un modèle en la matière. Plus le diagnostic d’un territoire est fin, plus les actions sont adaptées à ses besoins.
Dans le cadre du Plan Boost, Grand Paris Sud, collectivité pionnière sur l’extension des consignes de tri, a bénéficié d’un accompagnement renforcé. L’objectif : améliorer les performances de tri sur le territoire. Êtes-vous satisfaite des résultats ?
Un grand oui ! Le Plan Boost s’est déroulé en 3 phases : une enquête Ipsos afin de mesurer la perception des consignes de tri des habitants, un diagnostic des infrastructures et des habitudes des usagers, puis le déploiement d’un plan d’action – le tout avec l’appui du bureau d’études Terravox qui a proposé un accompagnement bout en bout sur le projet.
Ce programme doit sa réussite à plusieurs facteurs. Et notamment la communication de proximité avec d’une part les fondamentaux de la sensibilisation (guides de tri, consignes apposées sur les bacs, diffusion d’un courrier de l’élu…), et d’autre part la transmission d’un message cohérent et homogène sur différents canaux – une véritable stratégie 360°. L’autre facteur, c’est l’élaboration d’un plan d’action spécifique à l’habitat collectif. En Ile-de-France, 70% de nos logements sont en habitat collectif. Il faut donc travailler de concert avec les partenaires essentiels que sont les bailleurs, diagnostiquer les locaux, sensibiliser en porte à porte, informer et former les acteurs de proximité, comme les gardiens d’immeuble.
Comment les collectivités peuvent-elles aller plus loin dans leurs projets de performance sur le tri des déchets ?
La première chose, c’est qu’il faut anticiper l’évolution de nos modes de consommation, eux-mêmes fortement influencés par des changements socio-démographiques, des changements de modes de vie, le développement urbain, la densité de l’habitat, la mutation de l’organisation territoriale… Cela nécessite de développer et d’épouser de nouveaux modèles. Et c’est là que les entreprises de l’ESS sont toutes indiquées pour accompagner les collectivités. Au-delà des évolutions de société, le marché offre aussi l’opportunité de moderniser nos méthodes et outils, notamment grâce à l’intelligence artificielle.
Sur Grand Paris Sud, c’est l’accompagnement bout en bout par le bureau d’études de Terravox qui a été fortement plébiscité par les collectivités. Et c’est vraiment là qu’on voit l’importance d’une démarche holistique : on démarre avec un diagnostic fin pour mesurer la perception du geste de tri auprès des habitants et analyser les infrastructures en place, puis l’élaboration et le déploiement d’un plan d’action adapté aux spécificités du territoire.
Et si on échangeait sur vos territoires ?
- Propos recueillis en vidéo par Terravox, lors du Salon Paris Pollutec 2024 ↩︎