Mobiliser les habitants, leur communiquer un message personnalisé et instaurer une relation de proximité avec eux sont les clés de réussite des collectivités qui produisent le moins de déchets !
Comment font certaines collectivités françaises pour obtenir des ratios de déchets par habitant aussi faibles ? C’est l’objet d’une étude publiée en août 2020 par l’Ademe, en partenariat avec Ecogeos et ZeroWaste France.
L’étude passe au crible les 58 collectivités françaises les moins productrices de déchets, toutes situées en territoires ruraux ou mixtes. S’ajoutent à celles-ci sept collectivités urbaines qui se distinguent par leurs bonnes performances, avec en tête les métropoles du Grand Besançon, de Lyon et de Rennes.
Parmi les leviers de réussite de ces bons élèves de la gestion des déchets, la tarification incitative est un incontournable : 54 collectivités sur 58 l’ont mise en place. Mais la fameuse mesure n’explique pas tout, puisque sur ces territoires, elle est systématiquement couplée à des actions de prévention, de sensibilisation et à une relation de proximité avec les usagers.
Prévenir, sensibiliser, accompagner les usagers apparaît d’une part nécessaire pour ne pas être perçu comme un simple « pourvoyeur d’un service payant », explique un agent de Questembert Communauté, qui a dû rapidement revoir à la hausse ses effectifs pour avoir deux personnes chargées de prévention et une autre à la relation-usager.
D’autre part, et surtout, ces trois actions participent à changer le regard qu’ont les usagers de leurs déchets, et in fine d’obtenir de véritables changements de comportements dans la durée. Bonne nouvelle pour les collectivités urbaines dont les logements collectifs rendent difficile l’instauration de la tarification incitative !
Impliquer les habitants dans la réduction de leurs déchets
« La prévention, c’est de l’accompagnement qui va permettre à ceux qui ne sont pas encore sensibilisés d’accepter les changements structurels » estime le responsable déchets de la Communauté de communes du Pays d’Ancenis. La collectivité a ainsi déployé aux côtés de mesures restrictives (tarification incitative, diminution des passages de collecte des OMR, etc.) un programme d’actions de prévention visant à aider les habitants à réduire d’eux-mêmes leurs déchets, telles que la distribution gratuite de composteurs ou encore la reconversion d’une friche industrielle en éco-recyclerie.
Outre le choix fort des élus de passer à la redevance incitative, l’une des clés du succès est l’implication de la population
– Jean-Baptiste Moinot, responsable du service déchets de la Communauté de communes du Lac d’Aiguebelette
Parmi toutes les actions de prévention, le compostage apparaît comme la mesure aux effets les plus tangibles d’après l’Ademe, compte-tenu du poids des biodéchets dans les OMR. Et ça, les collectivités les moins productrices de déchets l’ont bien compris : 90% d’entre elles ont mis en place des mesures incitant leurs habitants à composter, au-travers de distributions gratuites et d’aides à l’achat de composteurs domestiques.
Pour Versailles Grand Parc, cette distribution gratuite de composteurs en 2010 a permis de lever un frein auprès de la population, nous explique Aurélie Flour, chargée de projet prévention des déchets. « Cela a conduit à faire du compostage notre action phare, avec la mise en place à partir de 2013 de composteurs collectifs dans les résidences, les jardins partagés puis les entreprises ou encore la distribution appréciée en 2018 de lombricomposteurs ». Et même en distanciel pour cause de pandémie, les usagers de Versailles Grand Parc sont présent aux formations en ligne sur les gestes du compostage. Sans doute y voient-ils le moyen de renouer des liens car comme le rappelle un agent de la métropole nantaise, le compostage collectif, en plus de démultiplier les bons gestes, est « un moyen de développer le lien social ».
Aux côtés du compostage, la plupart des 58 collectivités modèles s’engagent pour le réemploi, avec au moins une ressourcerie et/ou le soutien au lancement de nouvelles ressourceries, ainsi que des actions de réemploi en déchèterie. La communauté de communes Terres de Montaigu gère par exemple depuis 2008 une « Valorétrie », un espace dédié au réemploi adossé aux déchèteries. De nombreuses animations ponctuelles autour du réemploi (« salon de la récup’ », « bricothèque », zones de gratuité) sont aussi citées par les collectivités.
Sensibiliser par un message clair et bien ciblé
Mais pour être réussies, les actions de prévention doivent se coupler à une sensibilisation de l’ensemble des habitants et des élus, d’après Bastien Cordebois, chargé de programme TZDZG au SMIRTOM du Saint-Amandois. « Chez le SMIRTOM, la prévention passe vraiment par de la communication. Les facteurs de succès sont l’implication de la part des élus et du syndicat, mais aussi l’implication de la part des usagers : c’est un tout. »
Si les collectivités pionnières de la prévention des déchets ont toutes investi le champ de la sensibilisation, la portée et l’ampleur des actions sont variables. Certaines permettent de toucher un grand nombre de personnes (déploiement d’ambassadeurs du tri et de prévention, communication écrite), bien que leur portée soit relative dans le cas de la communication écrite. D’autres ont pour objectif de sensibiliser de manière approfondie des groupes restreints, en espérant qu’ils servent de relais pour d’autres (défis familles, ateliers zéro déchet).
Les interventions dans les écoles en particulier permettent de toucher un grand nombre d’usagers avec un impact sur le long terme, d’après l’Ademe. Versailles Grand Parc fait ainsi le choix de toucher en particulier les enfants : en partenariat avec l’académie de Versailles, la communauté d’agglomération prête des kits pédagogiques aux établissements sur les thèmes du gaspillage alimentaire, du compostage ou encore d’un centre de tri et de valorisation situé à proximité.
Si on sensibilise bien les enfants aujourd’hui, le message de prévention leur semblera naturel dans dix ans. Ce sont aussi eux qui transmettent le message à leurs parents !
– Aurélie Flour, chargée de projet prévention des déchets à la Communauté d’Agglomération de Versailles Grand Parc
Ce qui est sûr, c’est que le message doit impérativement faire sens auprès des habitants, ce qui nécessite clarté mais aussi absence de précipitation. Ainsi, un agent du Sictom du Val-de-Saône dit miser sur des messages allégés pour aider à « éclaircir la vision des gens sur les déchets ». La Communauté de communes Blavet Bellevue Océan, quant à elle, affirme qu’il est « important de ne pas faire les choses brutalement mais par étapes, avec un accompagnement permettant de rassurer tant les élus plus frileux que les usagers à qui il est demandé de faire confiance. »
Instaurer une relation de proximité avec les habitants
Près de la moitié (44%) des collectivités les moins productrices de déchets mettent l’accent sur la relation de proximité qu’elles entretiennent avec leurs habitants pour expliquer leurs bonnes performances. « La mise en place de contact direct, plutôt que d’envoyer des mails, des flyers, etc. fonctionne le mieux en termes de sensibilisation », estime ainsi le SMIDOM Veyle et Saône.
En effet, des mesures telles que la venue d’ambassadeurs du tri et de la prévention en porte-à-porte, le suivi systématique des erreurs de tri, mais aussi des entretiens avec les nouveaux arrivants, participent d’après l’Ademe à mobiliser et responsabiliser chaque habitant au sujet de la gestion de ses déchets.
Parmi ces mesures, le porte-à-porte en particulier permet de clarifier le message de sensibilisation porté par la collectivité, d’après le Syndicat mixte de Thann-Cernay : « Pour essayer d’être le plus clair possible et de ne pas noyer les gens, il faut miser sur la proximité aux usagers au travers notamment d’une sensibilisation sur le terrain en porte-à-porte. »
Pour Versailles Grand Parc, instaurer une relation de proximité avec ses usagers sur les questions des déchets passe par la présence de ses guides déchets aux différents forums d’associations et événements des communes de l’agglomération. « On va sur place pour être à proximité des gens, explique la chargée de prévention des déchets. C’est toujours plus facile de porter le message, et c’est très apprécié des habitants. »
D’autant qu’une telle proximité permet de s’adapter aux spécificités de chaque usager. Rennes Métropole de conclure au sujet de ses bonnes performances : « Rien de miraculeux : il s’agit de considérer chaque type d’usager avec ses différences et de travailler à une toute petite maille. On fait dans la dentelle et on s’adapte en permanence. »
« Des collectivités à leurs habitants, l’aventure du zéro déchet »
Des collectivités pionnières de la prévention des déchets, aux quartiers, communautés d’habitants et foyers zéro déchet : nous avons voulu partager les témoignages de ceux qui se sont lancés dans l’aventure du zéro déchet. Pour eux, la gestion des déchets rime aisément avec solidarité et convivialité, tout ce que l’on croit à Terravox.
Découvrez notre série d’articles :
1. Prévention des déchets : les habitants au coeur de la démarche
2. Quartier zéro déchet : l’attachement au lieu et les relations de voisinage ont leur carte à jouer
3. L’émergence de communautés zéro déchet, un relai vertueux de sensibilisation des habitants
4. Immersion dans ces foyers que le zéro déchet rend plus heureux